1er octobre 2010 Soutenir et renforcer le tissu associatif de proximité d’aide aux étrangers

Appel à croiser et structurer les réflexions

Les associations intervenant sur le terrain français en matière d’aide aux étrangers et/ou de développement solidaire traversent, comme tout le secteur associatif, une crise majeure depuis plusieurs années. Certaines des causes de cette crise sont partagées avec les autres champs associatifs (social, éducatif, sanitaire), à savoir l’injonction au regroupement, la rationalisation des coûts, la mise en concurrence qui traduisent la volonté de l’Etat de transformer ce secteur en prestataires de services.

La question est de savoir s’il ne se surajoute pas une dimension supplémentaire liée aux caractéristiques mêmes de l’activité de solidarité de proximité avec les « étrangers ».

En effet, d’une part, certaines formes de regroupement solidaire existent au sein des interfaces entre ces populations et la société française, mais ne sont pas identifiables ou reconnaissables par les institutions qui n’interagissent qu’avec des personnes morales identifiables et juridiquement responsables.

D’autre part, lorsqu’elles existent, ces personnes morales sont d’autant plus fragiles que leur animation repose sur quelques personnes très engagées souvent irremplaçables, parfois ne souhaitant pas véritablement l’être. Travaillant de façon généralement isolées et cloisonnées, du fait même des activités côtoyant les limites, ces acteurs se trouvent prisonniers des injonctions de management dans lesquelles se noient leur vision politique initiale.

Ces associations, lorsqu’elles prennent du poids, peuvent aussi être considérées comme menaçantes pour une certaine vision institutionnelle de « l’intégrité républicaine », source de méfiance réciproque. Du coté associatif, cette méfiance est alimentée par l’isolement physique, tout autant qu’idéologique et politique qui reflète l’absence d’une véritable réflexion théorique sur les pratiques.

La pression des médias, de ce qui y est véhiculé de « l’opinion publique », la difficulté véritable du quotidien de ces activités, la réification des « cultures » en les enfermant dans des stéréotypes fossilisés, renforce la perception paranoïde d’un combat ultime et perdu d’avance.

Une spirale de désagrégation de ce tissu formel ou informel de l’interface avec les populations étrangères est ainsi engagée.

Or, ces activités d’interface constituent le seul trait d’union entre les populations les plus marginalisées et les institutions. Le sens même de l’existence de ces associations réside dans ce comblement du vide, dans cette occupation bienveillante de l’interstice entre l’institution et ces personnes. Leur disparition ne peut qu’accroître l’exclusion de groupes entiers et mettre en danger social et sanitaire l’ensemble de la société française, cassant précisément le socle de la République qu’elle prétendait préserver en déstabilisant ces associations.

Ainsi, au-delà de considérations purement humanitaires qui devraient déjà être suffisantes, le pragmatisme social actuellement en vogue voudrait qu’une vraie réflexion politique soit menée à l’égard des animateurs de cette interface avant qu’il ne soit trop tard.

Malheureusement, alors que les grands réseaux parviennent tant bien que mal à résister, les petites associations ont tendance à se replier sur elles-mêmes face à l’adversité, à tenter de sauver ce qui peut encore l’être en saisissant les rares opportunités qui leur sont offertes, mais en agissant ainsi, elles accroissent l’émiettement du secteur, et donc sa fragilité.

L’enjeu est donc aujourd’hui de tenter de mettre en oeuvre des actions capables de sauvegarder et de renforcer le tissu associatif et/ou informel de proximité d’aide aux étrangers,. Pour cela, REGARDS propose de rassembler les réflexions existantes, de leur donner un cadre et une assise théoriques pour les légitimer. Pour aussi développer la réflexion sur les modalités innovantes d’interface, de tissage dans l’interstitiel qui se produit de façon visible ou informelle, et donc pas reconnaissable par l’institution. Faire bouger cette dernière sera sans doute difficile mais peut passer par la construction d’une dynamique informelle qui, au fil du temps et des actions réalisées, puisse se révéler incontournable.

Constituer une plate-forme d’échange doit se garder de rentrer dans le piège d’une simple réaction aux décisions politiques ou aux arbitraires dont tous nous sommes témoins. L’objectif est précisément de parvenir à dépasser l’engrenage bien rodé entre action et réaction discréditant cette dernière, la moins méchante des qualifications étant celle de « Bisounours ».

Sur le mode de la mise en commun informelle de RESF, « recherche-action » ou RECit, structurés autour des processus éducatifs, il s’agirait d’une initiative gravitant autour de l’interculturalité, du vivre ensemble, visant à soutenir, outiller et former les travailleurs formels et informels de l’interstice et leurs divers modes d’existence sociale.

Nulle structuration formelle mais une réflexion et des échanges, des collaborations avec les collectivités territoriales de proximité, les plus à même de saisir les enjeux et les intérêts de la démarche et de la démultiplier dans leurs quartiers, voilà la tâche que se donne REGARDS pour les quelques mois qui viennent.

Tous les destinataires de cet appel peuvent nous manifester leur intérêt, peuvent aussi relayer auprès des réseaux cités ou de structures associatives concernées pour travailler avec eux les synergies et complémentarités de démarche et structurer une dimension de l’interculturalité au sein de leurs actions et engagements.

REGARDS recueillera les contributions et réflexions, les mettant en ligne sur son site et, si le matériel le justifie, une journée de rencontre et d’échanges sera programmée.

Commentaires reçus:

Jean Claude Sommaire

-Derrière la thématique soulevée par Regards il y a, me semble t-il, la question du couple prévention/réparation qui n’est pas vraiment nouvelle. Je crois que, depuis longtemps, on fait beaucoup pour la réparation et pas beaucoup pour la prévention. Je suis administrateur de la Sauvegarde de l’enfance des Yvelines qui intervient dans le secteur de la protection de l’enfance à travers différents services et établissements. Il y a de l’injonction aux regroupements, des appels d’offre, des invitations à l’économie de moyens, mais cependant les financements, en gros, sont sécurisés et des prix de journée conséquents sont acceptés. Je suis aussi administrateur d’Afrique partenaires services où, là, les choses sont totalement différentes avec une insécurité permanente pour des financements limités.

 

-Pour le développement de la  prévention il y a aussi l’obstacle de l’idéologie (de gauche pour préciser un peu plus) car on ne veut pas stigmatiser les groupes à risque. Pour mémoire le rapport de l’INSERM sur la prévention précoce a mobilisé contre lui le banc et l’arrière banc des professionnels. Ce rapport était peut être contestable mais ceux qui l’ont lapidé ont contribué aussi à décourager toute tentative d’avancer un peu en la matière.

 

-Sur la question plus spécifique des interventions auprès des publics issus de l’immigration, le FAS migrants, sous ses diverses appellations successives, a longtemps fait office de cagnotte providentielle jusqu’au jour ou les pouvoirs publics ont découvert que l’intégration ne pouvait se réaliser par la seule grace du saint esprit républicain et qu’il fallait accompagner de façon conséquente les primo arrivants. Le problème est que comme on ne pouvait pas dégager des moyens supplémentaires on a arrêté de financer les actions pour les migrants déjà installés afin de pouvoir financer celles destinées à ceux qui arrivent…

 

Proposition à débattre : ne faudrait il pas engager une réflexion sur la problématique de la prévention précoce en direction des groupes à risque? Notamment auprès des populations d’origine africaine sub saharienne…

Jean Claude Sommaire

La Marmite aux idées

Quelques réflexions concernant les associations de soutien aux exilés du Nord – Pas-de-Calais et du littoral de la Manche

Contrairement à d’autres associations d’aide aux étrangers, les associations qui interviennent auprès des exilés qui peuvent être en route vers l’Angleterre, en recherche d’une terre d’accueil qui peut être la France, en errance à travers l’Europe (la caractérisation de ces personnes est complexe, les associations interviennent au départ par rapport aux conditions de vie dans lesquelles ils sont dans un secteur géographique qui correspond à un segment de leur parcours en Europe) sont peu affectées de manière directe par la réduction des crédits de l’État.

En effet l’activité de ces associations repose très majoritairement sur les dons en argent et en nature, et sur le bénévolat. Et de manière moins importante et variable sur un soutien en argent et en nature des collectivités locales.

Cette absence de soutien financier de l’État s’explique par le fait que celui-ci maintient l’activité de ces associations dans une zone floue entre l’aide à l’entrée, au séjour et à la circulation d’étrangers en situation irrégulière, pénalement sanctionnée (article 622-1 du CESEDA), et l’aide humanitaire tolérée telle que définie par l’article 622-4 du CESEDA. Le moyen de pression de l’État pour canaliser l’activité des associations n’est donc pas le même, et il faudrait étudier de manière fine la manière dont cette menace imprécise de sanction crée ou non des limites invisibles entre population, associations et exilés.

Les associations sont par contre confrontées de manière indirecte aux désinvestissement de l’État dans des domaines comme l’hébergement et l’accompagnement des demandeurs d’asile ou la prise en charge des mineurs, avec le débat renvoyer l’État à ses responsabilités et / ou répondre aux besoins des personnes. Mais aussi aux conséquences de la politique de marginalisation et de répression à l’encontre des exilés, et des violations de plus en plus systématiques de la loi par l’administration et les forces de l’ordre.

L’atout des associations est sans doute qu’elles ne peuvent pas survivre sans un tissu de solidarités qu’elles ont à entretenir sans cesse. Et que ce tissu résiste à la durée, même dans des endroits comme Calais, où la situation perdure depuis quinze ans et où la population a dû apprendre à « vivre avec ».

La Marmite aux Idées

Maison pour Tous, 81 boulevard Jacquard, 62100 Calais

lamarmiteauxidees@orange.fr

06 83 19 98 94

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