Depuis de nombreux mois se multiplient les sites Internet proposant au grand public des diagnostics génétiques. Leurs objectifs au départ médicaux, au prétexte que certains produits agiraient mieux sur certains profils génétiques, sont maintenant généalogiques, identitaires et ethniques.
Dans ce contexte, l’organisation d’une exposition sur la médecine prédictive à la Cité des Sciences et de l’Industrie pouvait laisser craindre un scientisme débridé, débordant de technologie. Il n’en est absolument rien, bien au contraire, et cette excellente surprise de fin d’année permettait de prendre conscience des avancées techniques et surtout des limites dans ce champ qui doit tout prochainement être légiféré.
Le dossier et le film proposés en archive sur les définitions du gène montre bien la diversité des enjeux que l’industriel, le philosophe et le biologiste ne placent pas au même niveau. Les éclats de rire y sont à cet égard rafraîchissants.
On le sait, l’ADN est présenté depuis un demi-siècle comme la carte d’identité de chacun, signature judiciaire maintenant reconnue comme infalsifiable. D’ailleurs, faudra-t-il bientôt parler de « carte identitaire », de la même façon que l’administration française a récemment transformé, dans un magistral contre sens qui n’a apparemment ému personne, les « cartes d’électeur » en « cartes électorales » (voir l’humeur sur ce sujet)?
Chercher dans cette signature les traces d’une potentielle maladie n’est pas sans conséquences car cela conjugue de façon mortifère le moi intime et un risque de pathologie, qui plus est sexuellement transmissible. Mais rappelons aussi que l’ADN véhicule et transmet les caractéristiques de base de l’identité visuelle de chacun, avec sa forme de visage, la couleur de ses yeux, de sa peau, etc. Faire un parallèle entre ces caractères extérieurs visibles et certaines pathologies (en particulier mentales) ne demande qu’un pas d’extrême simplisme que beaucoup franchissent régulièrement depuis la nuit des temps, souvent de façon hyperscientifique, l’exemple le plus connu étant la phrénologie du XIX° siècle.
Au-delà de la mauvaise fiabilité de nombre de ces tests, en particulier ceux disponibles sur le Net, Lise Barnéoud, auteur du dossier montre la faiblesse relative des chiffres de prédictibilité pour la plupart (certes, pas toutes) des maladies. Ainsi, l’augmentation d’un tiers des risques fait concrètement passer de 6 à 9% le risque pour l’individu de tomber malade. On est en fait dans « l’épaisseur du trait » pour jargonner actuel, alors que présenter 33% d’augmentation a de quoi faire réellement peur et inciter à consommer du test. En outre, l’intérêt thérapeutique est parfois limité, surtout dans le cadre de pathologies multifactorielles.
Enfin et surtout, elle analyse précisément les conséquences psychologiques, sociales et éthiques de la notion de médecine prédictive, parlant d’épée de Damoclès et renvoyant au site de pas de 0 de conduite pour la réflexion sur le dépistage psychologique précoce de l’hyperactivité.
Bref, enfin un dossier accessible et très étayé qui permet d’éviter la simplification outrancière mais tellement partagée ces derniers temps qui articule mécaniquement identité et génétique.
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