6 mars 2010 :Travail de terrain et façons de voir

Croisée au hasard du feuilletage d’annales de concours d’entrée en Institut de Formation aux Soins Infirmiers cette question :

Extrait de « Concours d’entrée en IFSI, Culture Générale », Lamarre 1999, épreuve d’admissibilité du 27/10/1998.

Cette façon de voir l’Autre rappelle les stéréotypes brésiliens décrits dans le livre « Familles et institutions : cultures, identités, imaginaires », du jeu à proposition pédagogique au Musée des Arts et Traditions Populaires de Belo Horizonte, dont le muséographe fut le français Pierre Catel, au demeurant probablement totalement étranger à ce jeu et décrit plus haut.

Mais dans le cas présent, le pire est que le candidat joue sa carrière d’infirmier en faisant une réponse à chacune des 4 situations, sous peine de nullité ! Pas d’autre choix entre « immigré » « étranger » ou « intégré » dont on sent bien la progression sur l’échelle des valeurs des correcteurs.

Comment ne pas comprendre à cette lecture le trouble ressenti par ces professionnels lorsque, lâchés dans une nature médicale hostile, ils seront face à l’altérité terrassée par la maladie ? De tels stéréotypes érigés au statut de « culture générale » indispensable pour pouvoir être admis en école d’infirmière en disent long sur le formatage, et l’absence de réflexion qui préside à cette thématique. Comment aussi s’étonner que les formations proposées sur ce thème fasse le vide, et soient annulées. Au-delà de la formation que nous proposions et que nous avons du annuler après l’avoir décalée, le forum de sécurité urbaine a dû en faire de même. Les seules formations trouvant leur public dans ce champ se situent au croisement de la psychiatrie et de l’altérité, très intéressantes mais fragmentaires, comme si le « fait de l’Autre » ne trouvait à se penser que dans le cadre de la pathologie mentale.

Comment ne pas comprendre que dans les quartiers dont la proportion de minorités visibles est faible, en particulier en régions, les acteurs en nient toute la spécificité, reléguant leurs réflexions à des discours archaïques sur l’intégration des personnes, les difficultés linguistiques ou, dans le meilleur des cas, la diversité culinaire.

Tant que les disciplines resteront cantonnées à leur technicité et n’apporteront pas de réflexion transversale sur ce que représente l’interface avec un public, en particulier exotique mais pas seulement, tant que la démarche qualité se résumera à l’application de protocoles standardisés et la distribution de questionnaires de satisfaction, le travail de proximité, social, sanitaire, éducatif, judiciaire, ne pourra comprendre les enjeux humains qui se nouent dans leurs relations avec l’Autre. Et l’acteur de terrain, involontairement, inconsciemment entretiendra la véracité de ces stéréotypes, en les projetant sur une réalité qui en sera elle-même façonnée. Plaidons (ou bien est-ce trop tard et devrions nous plutôt prier, oui mais qui ?) pour que les formations initiales des uns et des autres finissent par prendre cette altérité en compte.

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