La culture
La culture, conçue comme la façon d’être ensemble et de faire corps social, est régulièrement convoquée pour expliquer les difficultés rencontrées par les acteurs de terrain pour accomplir leurs missions. Dans ce geste, les concepts mobilisés renvoient l’Autre, celui qui n’est pas moi et pour lequel je dois agir, à sa condition de différent, d’étranger, et ce quelle que soit son origine.
Interagir, communiquer, transmettre, développer, accompagner sont les mots cardinaux du travail social, de l’action judiciaire (particulièrement pour la jeunesse), de la santé, de l’éducation. Mais trop souvent ces nobles desseins se heurtent à une « incompréhension », une « incapacité » projetées sur les usagers, les enfermant dans un statut qui ignore les innovations et la dynamique de l’acculturation que le seul passage au travers des âges engendre déjà.
L’intervention sociale et la culture
A l’heure où toutes les interventions de proximité du secteur social entendent faire parler les usagers, leur donner voix au chapitre, les outils manquent cruellement. Alors qu’elle semble en théorie s’imposer, l’interculturalité n’est pas donnée, elle s’apprend.
Déjà dans un univers conçu comme « culturellement homogène », les divergences de représentations liées aux conditions d’âge, de sexe, d’histoire personnelle, etc. sont largement sous évaluées et les malentendus abondent.
Pour les migrants, l’appel à un traducteur n’est pas suffisant. Il peut même être contre productif lorsqu’il est trop impliqué dans les conflits locaux, ou qu’il cherche par ce positionnement d’intermédiaire à acquérir un pouvoir qui peut s’avérer abusif ou encore faire écran sur les réels besoins et aspirations des personnes.
La culture comme outil
Dans une perspective opérationnelle, il est donc nécessaire de comprendre et d’organiser les processus de communication interculturelle et de transformer la culture en outil plutôt qu’obstacle, comme support de compréhension de l’altérité dans sa complémentarité, encore une fois quelle que soit l’origine identifiée ou « visible ».
Le propos de REGARDS est d’insuffler dans le travail de proximité une méthodologie d’intervention mobilisant les référents culturels comme outils de médiation.
Les questions qui se posent
Chaque professionnel a ses propres représentations qu’il mobilise selon ses besoins et la pertinence qu’il en perçoit. Ces représentations sont forgées de son expérience personnelle, professionnelle, et institutionnelle (ses missions) qui s’intriquent dans un bricolage pas toujours facile, et surtout, peu intelligible pour les usagers. Ces derniers se bricolent aussi des représentations selon leurs trajectoires, expériences, informations, et perspectives immédiates.
L’enjeu est donc de comprendre ces différences et leurs logiques afin d’anticiper les sources de malentendus aux conséquences sociales dévastatrices tant en matière de perte de temps, de ressources que de frustrations de besoins des usagers auxquels personne n’a pu répondre, et des professionnels devant leur impuissance.
Notre ambition
REGARDS veut donc contribuer à élaborer des réflexions, former, accompagner et évaluer les interventions des secteurs sanitaire, social, judiciaire, éducatif en dotant les professionnels de compétences pour gérer les relations dans une perspective interculturelle, sans pour autant préjuger de l’origine de l’usager.
Les concepts de profondeur historique du sujet, de parenté, de représentations du corps, de système d’autorité, de sanction sont ainsi mobilisés dans le geste du travail de proximité et méritent d’être travaillés, élaborés et de faire l’objet de formations.
L’ensemble de la démarche pourrait ainsi déboucher sur un renouveau de la réflexion de l’implication de la culture dans les relations professionnelles et institutionnelles.