10 août 2018 : Etienne Le Roy lit : La propriété de la terre de Sarah Vanuxem

L’illusion universaliste du positivisme juridique, approche interculturelle[1]

À propos de l’ouvrage La propriété de la terre de Sarah Vanuxem (s.l., Wildproject, col. Le monde qui vient, 2018)

En partage d’amitié avec Christophe Grou-Radenez qui m’a fait découvrir cet ouvrage

 

L’ouvrage de Sarah Vanuxem (SV) présente, au premier abord, toutes les garanties de sérieux et de compétences juridiques. Il pousse même la théorie des droits de propriété dans une direction nouvelle, sans doute audacieuse mais fertile, en revisitant la notion de propriété dans sa dimension d’habitation, donc en subordonnant le droit positif au respect des conditions d’existence[2]. Cette démarche s’inscrit ainsi dans cette tendance contemporaine à revisiter les constructions juridiques à la lumière d’une écologie qui peut être, ou non, politique et qui est ici soutenue par Philippe Descola, professeur émérite au collège de France et dont les travaux américanistes sont reconnus.

Pourtant, et au-delà des qualités d’écriture, de la curiosité analytique et de son intelligence factuelle, ce bref ouvrage de 103 pages pose un problème anthropologiquement critique : est-il possible en ce début du XXI° siècle de continuer à tenir implicitement la notion de propriété de la terre, telle que systématisée par l’article 544 du Code civil des Français de 1804 pour un de ces universaux à la base non seulement de notre modernité occidentale mais de l’organisation de toute vie en société ? Rappelons la célèbre définition civiliste : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». À la lumière de nos connaissances actuelles, cette définition peut-elle être tenue pour universelle ? Si non, sur quelles bases aborder une théorie interculturelle des rapports de l’homme à la terre ?

Je me suis déjà efforcé dans La terre de l’autre, une anthropologie des régimes d’appropriation foncière, (Paris, LGDJ, 2011), d’apporter une réponse qui contredit la généralité de la thèse adoptée par Sarah Vanuxem selon quelques arguments à portée interculturelle. Je ne cache donc pas au lecteur ma position critique d’anthropologue à l’égard de la généralité de sa démarche et de sa portée comparative mais je respecterai les exigences méthodiques de l’épistémologie comme critique des pratiques scientifiques. Je donnerai donc d’abord la parole à ma consœur pour une synthèse de son argumentation qui comprend occasionnellement des avancées remarquables. Ainsi, plutôt que nier ces avancées, je montrerai comment il est possible d’élargir son épistémologie en adoptant le point de vue (topologique) d’une anthropologie politique de la juridicité que je pratique et une conception du pluralisme normatif qui reste encore marginale à l’échelle française, même si elle stimule la démarche de notre association REGARDS.

Synthèse des arguments

L’ouvrage a le volume et la forme d’un essai qui, en termes de rugby, a bien été marqué (le texte en témoigne) mais dont on peut se demander s’il a bien été « transformé », c’est-à dire convainquant. C’est l’enjeu de ma seconde partie.

L’argumentation se décompose en trois temps :

1 – Trois formes de la propriété considérée d’après leur lien avec la terre.

2 – Trois visages de la nature aux origines de la tradition civiliste.

3 – La propriété comme faculté d’habiter.

Ce plan révèle immédiatement l’avantage positif d’une approche plurielle des données en distinguant trois formes et trois visages dans un dispositif en trois parties au lieu des deux parties du sacro-saint plan juridique. Mais, en même temps, il annonce le blocage sur la seule tradition civiliste.

1- Trois formes de propriété

L’auteure distingue ces trois formes selon les considérations suivantes : « le système des propriétés simultanées, offrant la jouissance des utilités de la terre, censément disparu à la Révolution française, puis la théorie classique de la propriété, autorisant la domination d’une terre immobilisée, élaborée après l’adoption du Code civil de 1804 ; enfin la doctrine renouvelée de la propriété, celle d’une exclusive jouissance hors sol, développée à partir de 1980 » (p. 19). En note 6 et pour compléter cette présentation, l’auteure indique que la théorie dite classique s’est, elle-même, décomposée en deux branches, la « maîtrise souveraine » d’une part, largement dominante depuis le XIX° siècle, et « l’appartenance patrimoniale » qui s’est développée au XX° siècle, que j’ai adoptée (infra partie II) mais qui n’a pas remplacé la précédente chez la très grand majorité des commentateurs.

a) – Est critique ici moins la discussion de la validité générale de la théorie dite classique, déjà largement adoptée par la doctrine juridique, que la place reconnue au « système des propriétés simultanées » qui avait été remarquablement analysé par Anne-Marie Patault dans son Introduction historique au droit des biens (Paris, PUF, 1989) pour spécifier un régime juridique caractéristique de la transition, en France comme en Angleterre, de l’agriculture familiale médiévale vers l’économie de marché, entre le XIII° et le XVIII° siècles. Là, chaque utilité reconnue à l’usage du sol peut donner lieu à un droit particulier et la somme de ces droits constitue ce que la littérature anglaise dénomme un faisceau de droits. Pour Mme Patault, être propriétaire, c’est jouir d’une ou de plusieurs utilités de la terre et elle emploie pour cela l’expression « propriété-jouissance de la terre ». On sent ici la difficulté que peut connaître le juriste à s’affranchir d’un vocabulaire commode mais ethnocentrique. Comme Joseph Comby[3], je considère en effet que la France de cette époque connaît bien des propriétaires fonciers et use de cette terminologie mais que l’acception contemporaine de la propriété dans son abstraction, telle que saisie par l’article 544 pré-cité est une invention du second XVIII° siècle. Elle est associée à la naissance du capitalisme car elle est une condition de la généralisation de l’échange marchand en autorisant la libération du rapport de dépendance entre l’homme, sa communauté d’appartenance et la ressource. On peut d’ailleurs suivre ses conditions d’émergence puis de généralisation dans l’ouvrage non moins pertinent, bien que quelque peu oublié, de Grégoire Madjarian L’invention de la propriété, de la terre sacrée à la société marchande, (Paris, L’Harmattan, 1991). On étend donc à des pratiques non propriétaristes un vocabulaire postérieur selon une « achronie » remarquable et discutable sur laquelle je reviendrai. Mais cette achronie typique des sociétés européennes postmédiévales se révélera aussi une « atopie » quand on considérera les rapports de l’homme à la terre sur l’ensemble de la surface du globe.

Cette référence au vocabulaire de la propriété a une autre conséquence dans la théorie récente dite des biens communs où la référence aux biens communaux de l’article 542 CC sert à expliquer une continuité entre les anciens communs pré-révolutionnaires ignorant la propriété et la construction, en mai et juin 1793, d’une théorie des Communaux qui tirent leur terminologie de la commune, entité administrative gestionnaire et non des Communs entité sociologique fonctionnelle. Ici, l’innovation majeure est de traiter les ressources, les usages et les utilités partagées par certains membres de cette commune comme des biens. Le bien n’est pas défini par le code civil et il faut se tourner vers la doctrine pour y suppléer. Le bien est, selon une vieille définition du répertoire Dalloz, une chose qui entre dans la vie juridique si elle répond à deux conditions, avoir une valeur pécuniaire et être susceptible d’une libre et discrétionnaire aliénabilité. Par définition, les Communs n’étaient jamais des biens puisque les contraintes de partages interdisaient de répondre à ces deux conditions cumulées. L’expression « biens communs » est donc au mieux un oxymore pour ne pas la qualifier de manière encore plus négative.

Revenons aux analyses de Sarah Vanuxem. Pour caractériser le droit susceptible d’être exercé sur la terre, l’auteure réhabilite et étend l’emploi du terme ‘saisine’, bien connu dans le vocabulaire de la féodalité où il lie le seigneur à son vassal dans l’octroi du fief. S.V. étend cet usage : « la saisine est une technique sociale d’accès aux utilités d’un fonds de terre- en d’autres termes un droit d’être inclus dans le collectif des usagers de la terre » (p. 21). Cette extension pourrait être téméraire mais je ne dispose pas d’un corpus de données ou de compétences en droit coutumier français pour l’infléchir ou la critiquer. Mes analyses africanistes ne la confirment pas mais ne l’infirment pas. La question reste dès lors ouverte. J’ai préféré, depuis le début des années 1990, user d’un terme plus générique, utilisable tant dans les registres non propriétaristes que dans la description du droit de propriété, voire même dans l’exercice du dominium étatique : la notion de maîtrise. J’y reviendrai.

b) Ensuite, SV aborde la théorie classique qui, en revenant aux distinctions du droit romain, prend au pied de la lettre la formulation de la première partie de l’article 544 pré-cité et en reformule l’enjeu : « la domination de la terre immobilisée» (p.24). Avec raison, elle met en évidence la place fondamentale de la notion d’immeuble au sens juridique du bien-fonds, « une entité corsetée, immobilisée, neutralisée, condamné à la passivité, (…) une chose étendue (res extensa) ou substance corporelle » (p. 25). Je fais grâce au lecteur de développements et des controverses entre Romanistes sur la réalité de certaines distinctions pour, en revenant à Mme Patault, constater que « la nouvelle conception romaniste de la propriété foncière postule la supériorité de l’individu aussi bien sur la nature que sur le groupe humain et octroie à celui-là un pouvoir corporel et exclusif de domination » (p.27). C’est l’homme maître et possesseur du monde selon Descartes qui regarde « <le monde <environnant>, l’humain, comme son <terrain de jeu> » (idem). Et SV résume discussions et critiques doctrinales en concluant que « (c’)est reconnaître que la propriété souveraine ne rend plus fidèlement compte de la réalité juridique- et qu’elle pourrait même ne l’avoir jamais reflétée » (p. 28). En pratique, le sens commun continue à proclamer la souveraineté et l’absolutisme de la propriété, en occultant la réalité d’un possible démembrement de droit de propriété et la consolidation des formes juridiques de l’usus et du fructus (de l’usage et de l’usufruit) par rapport à l’abusus ou droit de disposer de la manière la plus absolue. Laissons aux spécialistes le soin d’en débattre pour souligner que c’est précisément sur ce point de la diversité des formes juridiques d’un droit pouvant être démembré que Frédéric Zénatti-Castain propose un cadre théorique, troisième forme, selon SV, pour renforcer le caractère unitaire du droit de propriété.

c) – L’exclusive jouissance hors sol- la théorie renouvelée de la propriété est donc un cadre théorique contemporain et qui opère des ruptures avec la théorie classique en ce que la propriété ne serait plus « un super droit réel incorporé dans les choses corporelles, mais une qualité ou faculté de la personne d’assujettir ou de maîtriser des choses aussi bien corporelles qu’incorporelles. En d’autres termes, la propriété n’est pas un bien, un droit au sens d’un jus, mais une puissance attachée à la personne, tel le dominium du pater familias à Rome (…) » (p. 31).

Je suis en accord avec ce repositionnement, mais j’en critique les conséquences, car, pour les tenants de cette théorie, la propriété est une entité totalisante, unifiante, qui se rapproche du holisme[4] sans s’y confondre. Elle renforce l’omnipotence du propriétaire, donc reproduit bien un monologisme juridique[5] mais à l’échelle de l’individu et non des collectifs comme dans les totalitarismes. Or, derrière l’omnipotence du propriétaire revendiquée par les tenants du libéralisme il y a cette « puissance attachée à la personne » et la primauté de la conception juridique de la personnalité juridique physique ou morale qui restent trop restrictives pour rendre compte du renouveau des pratiques « en Communs », c’est à dire de partages des utilités au sein de collectifs bien déterminés dont je reparle plus loin.

Un autre point où je suis aussi en accord avec ces auteurs, mais pour des raisons différentes, est quand ils considèrent que « les droits d’usage ne constituent plus de véritables droits de propriété, comme dans le système des propriétés simultanées, non plus que des droits de propriété diminués comme dans la théorie classique, mais des choses susceptibles d’appropriation, de potentiels objets de droits« (p. 32). Je partage l’idée que le trait discriminant de la propriété est l’exclusivisme mais j’y ajoute que celui de la propriété privée est l’absolutisme, toutes ces distinctions étant éclairées pas la théorie des maîtrises foncières et fruitières que j’évoque plus loin.

Enfin, mon approche est résolument pluraliste et n’use de la terminologie de la propriété que pour deux des cinq modes de constitutions de droits sur la terre, préférant l’usage générique de la formule des modes d’appropriation foncière.

Finalement, Sarah Vanuxem fait remarquer, de manière là aussi pertinente, que ces trois théories ne privilégient que l’un des deux termes de la relation de l’homme à la terre, en reproduisant une vision anthropocentrée autour de la figure du propriétaire, vision qui pourrait ne plus être de mise de nos jours. C’est l’objet de son deuxième point.

2 – Trois visages de la nature aux origines de la tradition civiliste.

Dans cet intitulé, on retrouve cette contradiction entre un pluralisme potentiel et cette fascination pour un principe d’unité « civiliste » qui est approché à partir d’un héritage du droit romain, tenu depuis longtemps pour la raison écrite. On va donc associer à cette synthèse approbations et critiques lorsque les effets du monoculturalisme se feront sentir.

Avec un art de la synthèse, SV nous présente ainsi son dispositif. « En droit romain, la nature se donnerait d’abord comme l‘autre du droit, et la propriété comme l’autre de la communauté. Mais la nature apparaît aussi comme une aide ou une auxiliaire du droit : la propriété individuelle tout autant que la propriété collective se trouvent préfigurées à l’état naturel. Au fond, on verra que la nature participe pleinement du droit car le travail judiciaire consiste précisément à rechercher la nature des choses, des affaires ou des causes. Et c’est à partir de cette approche processuelle des choses qu’une nouvelle figure de la propriété pourra être esquissée, les diverses acceptations de la nature s’avérant liées les unes aux autres » (2018, 45).

Deux remarques avant de détailler ces trois points. D’une part, aucune définition de la nature n’est proposée. Elle restera de ce fait une notion polysémique floue. D’autre part, les anthropologues, Philippe Descola, auteur de la préface en particulier, abordent la question de la nature à partir d’axiologies qui spécifient les diverses traditions culturelles. Lavelle la définit comme « une sorte de métaphysique de la sensibilité et du vouloir » et Descola, dans ses travaux récents, en distingue six formes qu’il ne mentionne pas dans sa présentation mais qui pourraient interférer avec notre propos. En effet, l’essentiel de l’analyse de Sarah Vanuxem repose sur un commentaire des travaux d’un de mes collègues de ma génération, l’historien du droit Yan Thomas, spécialiste de l’ancien droit romain. Or je formule l’hypothèse que deux ou plus axiologies ont pu être associées dans l’expérience romaine millénaire, depuis la fondation de Rome et les premiers Sabins ou de la République aux liturgies impériales puis aux compilations byzantines des sources classiques.. Le multijuridisme et le pluralisme normatif sont susceptibles d’être convoqués et ce de manière sans doute stimulante si on en juge par les trois niveaux d’analyse du rapport nature et droit que propose l’auteure.

a) –L’altérité juridique de la nature – la propriété substituée à la communauté

Le droit romain a posé les trois prémisses de nos raisonnements contemporains : « le sujet de droit comme support d’une puissance d’agir, la nature comme objet auquel s’applique cette puissance, la dénaturation du monde comme moyen technique de cette action, une technique qui, avant d’avoir été industrielle, fut institutionnelle et qui portait le nom d’un ars iuris, soit l’art juridique » (p. 55) Cette action s’exercera « dans un sens progressivement absolutiste » d’après Yan Thomas, SV ajoutant que « la conception absolutiste de la propriété ne daterait donc pas de l’époque moderne » (p. 56), même s’il faut se garder de la généraliser à l’ensemble de l’empire romain en raison de l’ampleur temporelle (plus d’un millénaire) et de la diversité locale des régimes de propriété (Le Roy, 2011) ou de situations juridico-politiques des populations concernées et de la généralisation tardive de la citoyenneté romaine, donc de leur soumission au droit civil.

Yan Thomas avance que le droit romain est fondé sur « la radicale déliaison de l’institutionnalité d’avec le monde des choses de la nature « (p. 58) puis que « la propriété doit se présenter comme l’envers de cet état de communauté et signifier l’exclusivité » (p. 59) dans la mesure où « l’esclavage, les statuts et la propriété succèdent à la liberté, l’égalité et la jouissance commune » (idem).

SV écrit en conséquence qu’« au berceau de notre tradition juridique, la nature serait l’autre du droit et de la cité, c’est-à-dire l’autre du droit civil », une formule lourde de conséquences ! Mais ce « berceau » est-il bien originel et, sans remonter à la loi des douze tables (entre 451 et 449 AC), les Romains ont-ils toujours eu cette conception d’une altérité « adversariale », si on en juge, par exemple, avec Ovide et ses « Métamorphoses » ? Il faut se souvenir ici que le latin a deux termes pour désigner l’autre, alius, qui est le proche, celui qui nous ressemble et alter celui qui est différent avec une radicalité qui peut conduire à l’hostilité, à l’ennemi potentiel. C’est ce second emploi qui est mobilisé dans l’expression « la nature comme l’autre du droit » et qui reste donc prévalant dans la tradition civiliste. Mais le common law, par exemple, avec la notion de stewardship, a une interprétation beaucoup plus bienveillante de cette altérité, le propriétaire étant plus un protecteur de la nature qu’un maître dominateur, une approche qui pourrait être associée à cette partie de la tradition romaine expérimentant une version de la propriété moins privative où « la nature est l’auxiliaire du droit ».

Avant de la détailler, relevons l’ancienneté de cette contestation de la communauté et des communs dans le travail des juristes romains puis romanistes à partir et sur la base de leur culture de l’institution et de la fiction[6]. Une véritable machinerie d’artificialisation des modes d’organisation des sociétés, visant à déstabiliser les modalités originelles et communautaires de régulations, a été mise en place à Rome à partir du début de la période classique, c’est-à-dire les deux derniers siècles de la République et a abouti, au nom du primat de l’individualisme, à un véritable décervelage dont on retrouve des équivalents chez nous avec l’élaboration d’un « droit français » avec Domat et Pothier en fin du XVII° et durant le XVIII° siècle. On connaît son aboutissement avec la consécration (au sens quasiment religieux) de la propriété dans l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

b) La nature-auxiliaire du droit – les propriétés individuelles et collectives préfigurées

Sarah Vanuxem entend rappeler qu’il existe dans le droit romain classique des situations qui échappent à l’approche dominante d’une propriété opposée à la nature. Il y a d’abord des « choses comme fossilisées à l’âge civil », des figures témoins survivant au travail d’artificialisation que nous venons d’identifier pour des raisons plutôt pratiques. Il s’agit des « choses communes ou res communes, comme l’air, la mer ou les rivages (… ou) des choses sans maître res quae capiuntur, comme par exemple les bêtes sauvages non encore capturées » (50).

« Il y a ensuite une seconde situation dans laquelle la nature se maintient dans l’âge civil est celle des choses de la nature qui retournent à l’état naturel » (51). L’auteure cite les rives creusées d’un fleuve par une crue et se transformant en alluvions au profit d’un autre propriétaire.

Yan Thomas va plus loin en remettant en question l’interprétation classique du droit naturel comme référence figée des origines de l’artificialisation juridique. Pour lui, droit et nature « sont moins en opposition qu’en interaction » (52) « Le droit naturel forme bien plutôt une fresque peinte par les juristes afin de représenter les correspondants naturels imaginaires des institutions de la cité » (ibidem), divers exemples étant donnés dans les pages suivantes dont nous ferons grâce au lecteur pour aller à la conclusion. « A bien y regarder, la propriété exclusive des choses privées –modelées sur celle des choses sans maîtreet la propriété collective des choses publiques- modelée sur celle des choses communes- pourraient correspondre à deux manières de devenir et d’être propriétaire : la captation suivie de la domination, d’une part, l’accès suivi de l’habitation, d’autre part. (…) Nous pourrions distinguer deux types de propriétés : le domination des choses mobiles, tel le gibier, d’une part, l’habitation des choses pérennes d’autre part « (55-56). Associées par SV au droit franc, ces distinctions sont d’usage anthropologique beaucoup plus large, et recoupent mes données africaines à condition de ne pas la faire dépendre de la seule catégorie « propriété ». Mais cela correspondrait, dans l’esprit des juristes, à une véritable révolution mentale à laquelle peu d’entre eux semblent préparés.

c) Découvrir la nature des choses – concevoir les choses comme des lieux

Sarah Vanuxem prolonge ici d’autres analyses de Yan Thomas, soulignant le caractère casuistique, « au plus près des choses », du droit romain en l’illustrant par le triptyque adopté par la magistrat pour « épurer » les dossiers complexes et aboutir à une solution satisfaisante. Ce triptyque tient à trois notions, res, la chose donnée au départ, causa, la cause retenue comme pertinente et quaestio, ce qui est finalement en question et auquel il faudra apporter une réponse. En quoi cela nous concerne-t-il car « à première vue, il n’existe aucun lien entre les choses de la nature (les choses communes et sans maître préfigurant les diverses formes de propriété), d’une part, et les choses obtenues à l’issue d’un procès, d’autre part » (58) ?

Yan Thomas explique, selon des considérants dont je ne retiens que l’idée centrale que « la chose romaine n’est aucunement le siège où s’exerce la maîtrise unilatérale du sujet, soit une entité entièrement soumise à son propriétaire (…) Choses et personnes ne se distinguent pas nettement les unes des autres » (60-61). Se basant sur certaines occurrences où « chose et lieu se trouvent même identifiés (…où) la res est située, elle est le lieu de fonctions propres », Sarah Vanuxem en généralise les implications pour « substituer à la conception moderne de la chose-objet , la conception romaine de la chose-lieu (… et ainsi) définir les choses comme des milieux, les personnes comme leurs habitants, la propriété telle une faculté d’habiter, et les droits (ou biens) comme les places occupées par les dénommés propriétaires dans les choses-milieux » (61).

Ces propositions sont stimulantes mais ne peuvent se réclamer de bases législatives ou réglementaires du droit positif, seulement d’une réhabilitation de la pensée juridique romaine à la lumière des travaux de Yan Thomas et d’une sémiologie basée sur la relation domus, la maison, dominus le maître de maison qualifié de propriétaire et non de maître et dominium, la propriété pleine et entière exercée sur le domaine familial.

Cette ouverture n’est pas à négliger mais la référence à une seule tradition juridique, fut-elle celle de Rome, ne peut suffire à accéder à une universalité que présuppose la démarche du juriste positiviste. On a donc relevé l’absence d’une perspective multiculturelle ou interculturelle, seule susceptible de satisfaire ce « requis d’universalité » qui n’est pas « acquis » par les seules qualités du droit positif. La troisième partie aurait pu en combler les manques mais elle restera finalement prisonnière de la vision monologique des juristes civilistes.

3 – La propriété comme faculté d’habiter.

Les trente dernières pages de l’opuscule sont une défense et illustration de la thèse que l’auteure entend faire prévaloir et qui est articulée autour de trois points :

– Habiter une demeure, l’article 544 revisité ;

– Habiter un communal, réinvestir l’article 542 du Code civil ;

-Habiter son territoire, ouvrir la communauté aux habitants non-humains/

a) Revisiter l’article 544 selon le primat de la faculté d’habiter

Quel en est l’intérêt ? « La présentation de la propriété comme un rapport d’habitation permet de renouer avec la terre et ses usages » (68). Cette évidence n’a pas attendu une nouvelle interprétation de l’article 544 pour être pratiquée. Au-delà de commentaires écologiquement assez convenus comme cette évocation du « ventre de la communauté » d’où serait issu le rapport juridique (70), j’ai relevé une distinction intéressante reprise par les éco-féministes : « la propriété conçue telle une relation entre des personnes-habitantes et des choses habitées pourrait répondre aux vœux des écoféministes de délaisser le pouvoir-potestas– pour s’emparer du pouvoir–potentia. Car la propriété ne s’entendrait plus comme un pouvoir des personnes sur les choses, mais comme un pouvoir exercé du dedans des choses-habitats ou milieux ». (74)

Ce passage de l’exercice du pouvoir comme une manifestation de force à une prise en compte de la richesse possible des actions menées donne lieu à des commentaires sur « la terre nourricière » (p. 75 et s.) qui seraient vraiment convaincants s’ils pouvaient se réclamer d’une expérience de terrain où la référence à la communauté n’est plus seulement stylistique (en évoquant l’écoumène d’Augustin Berque) mais dynamique. Dans cette perspective, la référence à « un pouvoir exercé du dedans » est importante car, dans une approche communautaire de la juridicité, le couple de distinctions opérationnelles est le dedans et le dehors ou, mieux, l’interne et l’externe et c’est ce couple qu’il faudra ajuster à l’autre distinction cardinale du droit positif, le privé et le public, pour prétendre approcher l’universel. Ce sera le pari de la théorie des maîtrises foncières et fruitières.

b) Habiter un communal, réinvestir l’article 542 du Code civil 

Il n’est pas simple de concevoir ce que représente l’expérience collective dans notre société profondément individualiste. Le communal dont il est question dans le titre n’est pas dérivé de « commun », donc de communauté mais, vraisemblablement, de commune » et de communaux qui est l’objet de l’article 542 CC. Le lecteur non averti risque le biais méthodique s’il ignore l’histoire de la fabrique des communaux français en 1793 (abordée p. 73à 82) et continue à privilégier l’idée d’une propriété communale préexistant à la Révolution française ou assimile les « commons » anglais aux communaux français[7]. Au fil de ces pages, on trouve quelques pépites, quelques réponses auxquelles il manque l’ensemble du questionnement, la théorie globale, pour prendre toute leur valeur théorique. Mais ceci est fréquent en matière de recherches et je n’ai cessé d’être confronté à des situations parfois délicates[8]. Je retiens en particulier de ces analyses deux avancées conceptuelles qui mériteraient d’être développées.

– Dans un contexte de références associant féminisme et animisme qu’il faudrait démêler, SV invoque l’historien britannique Edward Thompson à propos des enclosures et de l’éviction des paysans pauvres des communs en Angleterre à partir du XVI° siècle : « à suivre Thompson, « le droit coutumier des pauvres était inscrit dans la terre même ou, plus exactement, dans les lieux mêmes. Les droits ou prérogatives des paysans n’étaient pas attachés à leurs personnes mais aux lieux dans lesquels ils vivaient » (77) et, doit-on ajouter aux utilités diverses qui y étaient associées[9], ainsi qu’aux « services que ces biens peuvent rendre aux habitants » (81). Cette prise en compte du caractère réaliste des rapports juridiques tissés entre les usagers et la terre est devenu, depuis mes travaux fondateurs des années 1960, la base même de l’analyse des rapports fonciers dans des sociétés communautaires. Là, les Communs déterminent l’organisation des sociétés sur la double base d’un rapport homme-homme sans référence, au moins systématique, à la propriété et d’un rapport homme-chose où, effectivement, un lieu dénommé par ses caractéristiques pédologiques ou productives ou selon un critère (outil privilégié pour l’exploiter, position dans l’espace) qui le spécifiera parmi tous les autres lieux connus ou reconnus[10].

– Ensuite, et revenant à Yann Thomas, SV aborde la redoutable question de la personnalité juridique des choses communes, son premier mérite étant ici de se poser la question d’un droit sur la terre par un détenteur qui ne peut être un sujet humain extérieur ou indépendant des lieux qui sont l’objet d’une revendication par des usagers différents : « accorder aux lieux de vie le bénéfice de la propriété permettrait d’assurer la continuité des possessions et des droits communs » (85) Sarah Vanuxem propose donc « d’instituer propriétaires les lieux de vie ou territoire. Abandonnant cette habitude prise depuis le milieu du 18° siècle de doubler d’une personnalité morale les communautés d‘habitants même lorsqu’elles existent et se perpétuent normalement, ce qui conduit à leur oubli, nous pourrions choisir d’accorder la propriété non à cette entité juridique abstraite mais aux lieux-dits » (85-86). Au vu de mes données africaines, je ne suis cependant convaincu ni de la généralité de l’invocation, ici, de la propriété ni du transfert du sujet à l’objet, de la personne juridique au lieu. C’est, hélas, plus compliqué ! L’acteur humain n’est pas expulsé du champ juridique mais, en échappant à la figure du propriétaire, il se voit confié une mission de surveillance et de protection que j’ai superficiellement invoquée ci-dessus en mobilisant la notion de stewardshiph du Common law et en travaillant, dans d’autres contextes les soubassements animistes.

Nous concevons, en Occident individualiste, le rapport juridique comme une dualité sujet/objet, une dualité que l’on peut traiter comme un bilatéralisme si on reconnaît aux lieux des vertus particulières, interférant avec le statut des sujets. Dans la pensée juridique des sociétés communautaires, le rapport est ternaire car toute l’organisation conceptuelle est fondée sur des instances « multiples, spécialisées et interdépendantes » et le pluralisme commence à trois éléments interdépendants sous la forme d’une articulation des rapports hommes-hommes et hommes-choses qui façonne la juridicité singulière d’une situation. En outre, chaque titulaire de droits porte la responsabilité de conserver la ressource pour ses héritiers ou pour les commoneurs. Ainsi, ce qui constitue ce troisième élément associant rapports hommes-hommes (et la spécificité de leurs positions sociales) et rapports hommes –choses (et les modes d’utilisation des ressources de la terre) c’est bien le lieu mais un lieu qui n’est pas orphelin de l’action de l’homme. Le lieu est sous sa protection, ce dont rend compte une formule statutaire applicable à ce lieu-là et à lui seul. Un exemple éclaircira ces montages d’autant difficiles à percevoir qu’ils ne sont ni écrits dans le langage du droit ni même dits de manière systématique. Ils sont usuellement pratiqués comme des habitus (des systèmes de dispositions durables) et il faut avoir partagé leurs pratiques pour en comprendre cohérence et pertinence[11]. Chez les Wolof du Sénégal où j’ai travaillé dès 1969, la référence centrale de ces titulatures est la notion de borom que je traduis librement comme « celui/celle qui porte (sur son dos, sur sa tête, sur sa réputation, etc.) une charge ou une responsabilité. Tout responsable d’une action collective spontanée ou institutionnalisée se voit doté d’un qualificatif associant la notion de borom à un lieu ou une action sur ce lieu ou à une fonction à remplir dans l’espace d’action de ce collectif. Par exemple, il est le responsable du carré (ou concession) familial qui se dit keur et de ce fait est dit borom keur , Comme le responsable du village (deuk) sera dit borom deuk et comme l’exploitant d’une parcelle (dok), borom dok, etc[12].. Dans le français colonial et à l’instigation des navigateurs négriers au XVIII° siècle, borom a été traduit par chef, qui vient du caput latin, désignant la tête, ce que le borom n’est pas. Car on doit voir en lui un primus inter pares qui, à l’époque précoloniale, ne pouvait agir sans l’aval d’un conseil composé d’égaux. J’ai commencé ce travail d’exhumation d’une théorie à l’état pratique qui permettait d’échapper à un ethnocentrisme ou aux simplismes d’une théorie de la personnalité juridique exagérément appliquée à toutes sortes de situations. À la manière de Marcel Mauss, dans son essai sur le don, élargissant à la théorie de l’échange non marchand la concept de kula j’ai eu parfois l’envie de hisser la concept wolof de borom (qui a des équivalents dans toutes les sociétés d’Afrique de l’ouest) au rang de paradigme du communautarisme, dominé par deux principes: l’accès statutaire aux fonctions par les titulatures et la réciprocité des droits et des obligations obligeant à faire face à ses obligations avant d’exciper de ses droits, ce qui est au fondement de la responsabilité[13]. Arrivé à ce point de notre compte-rendu nous découvrons le dernier point de l’argumentation.

c) Habiter son territoire, ouvrir la communauté aux habitants non-humains

Ouvrir la communauté aux habitants non –humains semble être pour beaucoup de mes collègues et amis proches une avancée spectaculaire et décisive que je ne saurai entièrement partager bien que je n’ai pas d’argument définitif à y opposer. Il m’est arrivé durant des années de rester dans cet état d’incertitude par prudence, mon expérience de terrain puis les analyses que j’en tirais me suggérant que c‘était plus compliqué mais qu’il nous manquait une clef de compréhension due à notre ethnocentrisme au quotidien.

Je suis en accord avec les tenants de cette théorie que les lieux ne sont pas de simples supports passifs mais condensent par leurs formes, leurs histoires, leurs richesses pédologiques ou minérales une mémoire de groupes qui peut être millénaire. Mais c’est cette mémoire qu’il f       ut interroger, donc le collectif et pas le lieu qui, lui, est « muet ». C’est ce que j’ai fait en allant rencontrer des Aborigènes australiens dans le bush profond pour partager en 1998 leur vision du monde qui tient dans la formule ‘le temps des rêves’, basé sur la complémentarité des règnes animal, végétal, minéral et humain. On peut donc faire parler les lieux mais les anthropomorphismes doivent, scientifiquement, s’arrêter là, dans ce que livrent les mémoires, Sinon on entre dans le spiritisme.

Reconnaître la personnalité juridique à des lieux est ainsi l’anthropomorphisme le plus critique. En user à pour avantage de faire entrer des pratiques non propriétaristes dans le monde du droit, de notre droit. Mais, outre un ethnocentrisme discutable, il a pour inconvénient de les exclure de leurs propres représentations d’une juridicité qui est radicalement étrangère à notre conception du droit et de la propriété. Elle repose sur la notion de dette[14] et de responsabilité (juridique) de cet ensemble composite constitué par un collectif, des ressources et des normes de gestion, ce qui correspond à la définition de base d’un commun[15] qui n’est pas l’équivalent d’une chose ou d’un bien mais l’expression active d’une pratique collective nouée autour d’un partage (cf infra partie II).

Observation conclusive de la première partie

Cette revalorisation de la notion de responsabilité à la fois individuelle et collective peut recouper certaines descriptions que donne SV des actions nouvelles de ceux qui se considèrent comme des « diplomates » négociant des rapports neufs entre humains et non-humais (cf p. 96-97) ». Elle propose également de « se tourner vers les traditions juridiques autochtones, avec d’autant plus d’à-propos que les communautés concernées ne réserveraient pas l’intentionnalité aux humains, et admettraient la capacité des non-humains à élaborer des règles de droit » (98). Ces options ont positives mais quelque peu tardives. Elles sont en outre peu détaillé es donc provoquent chez l’anthropologue plus de méfiance face aux risques d’ethnocentrismes que de confiance..

Mais je citerai pour conclure cette première partie les dernières lignes de cet opuscule :

« Au final la propriété-habitation pourrait aider à penser la transition, le passage ou le tournant d’une conception moderne subjective à une conception écologique réaliste : au lieu d’un droit orienté vers le libre vouloir du sujet de droit et la soumission des objets de droits, on rendrait visible un droit veillant sur la solidité des interrelations entre les personnes à l’égard des choses, et entre les personnes et les choses mêmes. Tout au moins est-ce le monde juridique que nous pourrions nous représenter » (103)

Cette déclaration-programme mérite d’être confortée. C’est l’objet de la seconde partie.

Enchâsser les droits de propriété de la terre et les avancées paradigmatiques récentes dans une théorie interculturelle des maîtrises foncières et fruitières

On va résumer les points d’accords et de désaccords avec les analyses de Sarah Vanuxem avant de proposer une présentation schématique de la théorie des maîtrises foncières et fruitières, comme une réponse possible à certaines de ses questions ?

Accords et désaccords

– Dès les premières lignes de ce compte-rendu, j’ai indiqué mon désaccord avec un emploi généralisé du terme propriété/ propriétaire si on entend rendre compte de la diversité des expériences humaines à l’échelle du globe et de sa très longue histoire et pas seulement de notre seule tradition civiliste. Je pourrais justifier cette position en invoquant les enjeux d’un comparatisme à l’âge de la mondialisation mais cela alourdirait le propos et je me contente donc d’en faire un postulat. De cette critique d’une généralisation abusive je tire pour conséquences que les trois formes de propriété examinées dans le point Un ne décrivent que des situations particulières, la transition vers le capitalisme à la fin du Moyen-âge européen pour la théorie des propriétés simultanées et sa stabilisation capitaliste avec la théorie classique de la propriété privée exclusive et absolue. Enfin, la démarche de Frédéric Zénatti-Castain et sa conception d’une jouissance hors sol ouvrent des opportunités mais dans le contexte plus large néo-moderne d’une démarche intégrant la théorie des communs.

De même, je regrette des imprécisions quant à la définition de la nature et l’absence de références aux axiologies de référence, même pour le monde romain. Par contre, l’artificialisation du monde par la technique juridique conforte mes propres travaux sur l’institutionnalisation de l’organisation de la société depuis les Romains. Puis j’approuve l’accent mis sur le lieu. Mais, simplement bien que de manière déterminante, la construction théorique du rapport juridique reste encore à parachever. J’ai apprécié la valorisation de l’internalité (le dedans) comme une dimension essentielle d’une « potentia » préférée à la potestas. Mais je lis la relation dans le couple dedans/dehors, interne/externe comme caractéristique d’une organisation communautaire par différenciation du couple privé/public inhérent aux droits individualistes romain puis civiliste.

L’idée que le droit coutumier soit déterminé par la logique de nomination des lieux est substantielle et à la base de mes travaux depuis 1969. Sans doute je ne crois plus possible d’employer la notion usée jusqu’à la corde de droit coutumier[16] mais les habitus collectifs sont bien associés à ces techniques pratiques d’identification des rapports juridiques.

Essayons de prolonger ces analyses en proposant les axes d’un modèle anthropologique dont je ne résume que quelques considérants, renvoyant le lecteur à sa présentation dans La terre de l’autre, 2011.

Le modèle que j’ai élaboré à partir de la fin des années 1980 est basé sur les travaux empiriques et théoriques de l’Association pour la Promotion des Recherches et Études Foncières en Afrique (APREFA) qui, durant plus d’une décennie, a contribué par ses publications à refonder les études foncières en Afrique puis, plus généralement, en proposant de nouveaux axes de politiques de développement, avec l’Agence Française de Développement (Afd), autour des Communs. L’originalité de la démarche tient à un postulat de départ selon lequel une lecture réellement comparatiste et généraliste ne saurait partir de nos conceptions contemporaines des droits de propriété mais des régimes de Communs. Ces régimes de Communs sont tenus pour les modes initiaux d’organisation des rapports de l’homme à la terre et les droits de propriété sur la terre sont entendus comme des applications dérivées et de plus en plus compliquées de ces régimes de Communs. Par ailleurs, la nouvelle révolution des Communs (voir ci-dessus note 13) qui émerge dans un contexte de crise des formes économiques et politiques néo-libérales, fait émerger un cadre d’organisation original et inattendu, produit de l’adaptation des Communs avec les contraintes de l’Etat et du capitalisme et que j’ai dénommé des « néo-communs ». J’en parlerai brièvement. C’est là où certaines des analyses relevées par Sarah Vanuxem trouvent en particulier leurs applications. On va décrire brièvement les métissages en cours puis les formalismes adoptés pour en rendre compte.

Le postulat d’un modèle doublement métisse

Le métissage en cours des modes individualistes et communautaires de sécurisation des droits exercés sur la terre dans la théorie des maîtrises foncières et fruitières, est caractéristique d’un moment particulier dans la transformation, au XXI° siècle, des politiques foncières en Afrique noire et dans d’autres parties du monde. Il fait suite à des précédents européens dont les fameuses enclosures des commons en Angleterre du XVI° au XVIII° siècles, et a été identifié puis suivi lors d’observations de terrains qui s’étirent sur une quarantaines d’années. Ces travaux mettent en évidence une complémentarité fonctionnelle qu’autorise la théorie des communs entre les catégories de public et de privé du droit individualiste moderne et celles d’externe, alliance et interne que nos travaux sur le communautarisme ont permis de mieux maîtriser. Ici se révèlent déjà deux éléments paradigmatiques clés d’une théorie anthropologique : la notion de partage ([17]) préférée à celle d’échange, rétrogradé symboliquement à un rôle d’outil, et l’expression « complémentarité des différences » qui rompt avec le principe du contraire qui est à la base de la philosophie aristotélicienne et au cœur de la modernité[18]. Se refusant tant à nier les différences qu’à les justifier d’un point de vue relativiste, travaillant la diversité pour en domestiquer les opportunités, ce premier métissage débouche naturellement sur une seconde modalité, le pluralisme juridique et normatif.

Incidence du pluralisme

Le pluralisme juridique et/ou normatif peut être considéré comme un second métissage dans la mesure où il accepte la coexistence puis l’imbrication de sources différentes de régulation que la vulgate scientiste occidentale peut tenir pour contradictoires ou incompatibles et que, pourtant, les pratiques des acteurs associent plus ou moins spontanément sur le terrain. Ce pluralisme est déjà, mais de manière seulement partiellement explicite, au centre de la théorie des communs élaborée par Elinor Ostrom [19]. J’ai eu plusieurs fois à expliquer comment il s’est imposé dans nos travaux africanistes puis les raisons de sa généralisation en l’associant à la théorie de la pluralité des mondes et au nouveau concept de juridicité comme dépassant et englobant notre conception du droit[20].

Dans la théorie des maîtrises foncières, la distinction entre chaque maîtrise selon une fonctionnalité propre, leurs agrégations successives dans des montages de plus en plus exclusifs et leur somme dans le droit de propriété « absolu » doivent naturellement beaucoup à Elinor Ostrom et aux travaux du séminaire de Bloomington confortant les recherches développées par APREFA à la même période (et dont je rends compte dans Le Roy, 2011). Mais on y a ajouté un apport anthropologique qui est aussi un autre héritage américain, la place et le rôle des représentations d’espaces dans la conceptualisation des rapports fonciers.

Je n’ai pas la possibilité de reprendre ici le détail de la dette que nous avons à l’égard de Paul Bohannan (Le Roy, 2011). Dans un court article de 1963 il explique que si les Africains n’ont pas la même conception des droits fonciers c’est parce qu’ils ont conservé une représentation de l’espace substantiellement différente de celle qui a fondé, à partir du XV° siècle et de l’invention de la nouvelle géographie, notre idée de l’appropriation de l’espace et de droit de propriété privée. A l’époque, on distingue ainsi deux représentations, l’une occidentale et géométrique pour mesurer l’espace et lui donner une valeur d’usage puis d’échange, l’autre dite « africaine » par l’auteur mais que je nomme plus généralment topocentrique parce que l’espace est organisé à partir d’un point/lieu tenu pour centre « magnétique » d’un territoire régulé à partir de ce point et selon la puissance d’attraction qui s’y exerce.

Puis, durant la trentaine d’années suivantes, mes travaux de terrain vont me conduire à enrichir ce cadre théorique pour combler ses limites ou insuffisances. Je vais d’abord, sur la base d’observations de chasseurs collecteurs au Congo puis de pasteurs dans le Sahel africain, proposer l’odologie ou science des cheminements autorisant extractions ou prélèvements de ressources (fruits au sens juridique) sur les trajets des déplacements dans la grande forêt ou la steppe et le désert. Puis, travaillant sur les effets des politiques de conservation de la nature, je relèverai l’impact des interdictions de pratiques et d’expulsions de populations dans des parcs ou réserves que j’associerai à des pratiques plus anciennes (de bois sacrés par exemple) pour théoriser deux nouvelles représentations, le territoire auquel est associé le droit d’accès et la sanctuarisation (dite aussi hiéronomie) et l’imposition de droits exclusifs[21].

Un concept-recteur, le partage

Avec le vocabulaire de la propriété, le terme d’échange s’est aussi généralisé et banalisé avec des implications anthropologiques qui peuvent se révéler excessives ou inopportunes quand on aborde les logiques communautaires et les Communs où c’est le concept–recteur du partage qui s’impose. Ce dernier terme est bisémique, désignant à la fois ce qui réunit et ce qui différencie. Les sociétés communautaires africaines, à l’inverse des nôtres, privilégiant les rapports inclusifs, cette place accordée au partage vise à réunir et a, entre autres, les conséquences suivantes :

  • Chaque groupe dispose d’un ensemble de solutions pour partager l’ensemble de son rapport à l’étendue et à ses espaces de référence puis l’exploitation des ressources qui y sont associées. L’hypothèse de terres vacantes et sans maître est une illusion coloniale. De même la généralisation de la prétendue « Tragédie des communs » de Hardin relève de l’idéologisme néo-libéral ou de la myopie.
  • Dans les logiques de communs, l’endogenèse est toujours préférée alors que ce qui vient de l’extérieur, l’exogenèse, est perçue comme source de danger et signe de faiblesse.
  • En partageant, on redistribue sans couper les liens entre l’individu, le groupe et le territoire qu’il contrôle, alors que l’échange brise ce rapport en supprimant la qualité relationnelle associée à la ressource qui circule et en fondant ainsi l’aliénation qui est littéralement (alienus) le fait de rendre étranger à soi ou à son groupe une ressource par un acte de disposition.

Approche formelle de la théorie des maîtrises foncières et fruitières

Cette théorie combine tout d’abord des solutions qui apparaissaient étrangères, voire contradictoires, puis offre des perspectives de gestion patrimoniale.

Une combinaison de modèles « premiers »

– Un exemple de réponse africaine : quelques communs chez les Wolof du Sénégal

Par souci d’économie de l’argumentation on ne fait que reproduire ici un modèle très simplifié sans en justifier les données.

Modèle N° 1 Communs wolof, Sénégal, Début XX° siècle

Statut/objet du support

&

Relation juridique

AVOIR

Am

 

prélèvement

POSSESSION

Mom

 

gestion

APPROPRIATION EXCLUSIVE

lew

 

exclusion

EXTERNE gor momel u bur ngadje
ALLIANCE samukay deuk ngadyo
INTERNE dock tol keur daye

Légende : gor=essart ; momel u bur= terres de chefferie ; ngadje= terre qui porte malheur, appropriée aux risques et périls ; samukay= pâturage ici sur champ après récolte ; deuk= espace villageois ; ngadyo= hache légère de défrichement ; dock= parcelle ; tol keur= jardin de carré ; daye= feu courant utilisé pour une première occupation de la forêt primaire. Ces catégories n’épuisent pas la richesse des données consultables sur (Le Roy, 2011)

– La réponse individualiste du Code civil des Français de 1804

On est aussi concis à propos de ce modèle conçu en 1989 pour fêter les deux cents ans de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. L’intérêt de ce modèle est qu’il peut servir de support au métissage du droit en permettant de combler des « vides » apparents entre la chose et le bien et entre rapports de droit public et de droit privé. En réalité, les juristes européens ont, dès le XIV° siècle, commencé une épuration du droit coutumier pour le faire entrer dans le droit civil reconstitué à partir des compilations de Justinien.

 

Modèle N° 2 Les quatre régimes du Code civil de 1804

Statut/objet du support

&

Relation juridique

Chose

 

Droit d’accès

Bien

 

Droit d’aliéner

Publique Domaine public art. 538 Domaine privé affecté art. 540/41, Biens vacants 539
Privée Communaux art. 542 Propriété privée des particuliers art. 537-544

 

– La fusion des deux modèles (en grisé le modèle communautaire) dans un cadre matriciel commun, combinant la propriété absolue avec différentes solutions de communs et d’autres formes d’appropriations et de propriété publique ou collective.

Modèle N° 3 Matrice de base des maîtrises foncières et fruitières

Statut / Objet du support

&

Relation juridique

Chose

 

Accès

a

AVOIR

 

Prélèvement

b

POSSESSION

 

Gestion

c

APPROPRIATION

 

Exclusion

d

Bien

 

Aliénation

e

Publique 1
EXTERNE 2
ALLIANCE3
INTERNE 4
Privée 5 Propriété absolue

Chaque société, pour chacune des périodes de son histoire, apporte des réponses particulières qui peuvent fluctuer selon les besoins et les opportunités. Ce modèle se présente ainsi comme un échiquier à partir duquel chaque acteur peut optimiser ses stratégies foncières. Seule la position de la propriété privée en e/5 reste stable en raison de la définition juridique qui en est donnée par le Code civil.

La confrontation au marché : des acquisitions à grande échelle à une gestion patrimoniale des ressources foncières

La confrontation des communs au capitalisme international puis national a pris la forme de la volonté de généralisation de la propriété privée comme condition de la suprématie de la voie capitaliste de développement, et ce depuis le début des colonisations modernes au XIX° siècle. Cela ressemblait fortement au combat du pot de terre et du pot de fer du fabuliste, où donc les Africains ont été les perpétuels perdants de leurs droits sur la terre et du respect de leurs droits originels et originaux sur leurs territoires, avec la complicité d’élites intéressées à la confiscation de la valeur de la terre.

Ces extorsions durent parfois depuis près de deux siècles et ont pris depuis quelques années la forme du land grabbing, acquisitions de terres à grande échelle dont j’ai eu l’occasion d’apprécier l’impact récemment[22].

Il ne saurait être question de nier la place et le rôle des droits de propriété et, singulièrement, de la propriété privée dans le monde contemporain ni la place qu’y occupent des vues opportunistes et la prise en compte des intérêts particuliers et qui brouillent les explications les mieux justifiées. Mais l’expérience plus que centenaire dont nous disposons maintenant en Afrique noire montre qu’on a pris le problème à l’envers et qu’on a voulu généraliser la capitalisme en imposant les droits de propriété sur la terre alors que les précédents hors d’Afrique, en Europe mais aussi au Japon, illustrent comme le soulignait Karl Polanyi[23] que c’est l’extension progressive des échanges d’un marché local à un marché régional puis national qui crée le besoin du droit de propriété exclusif puis absolu comme condition de l’aliénation. Le tout reposant sur la confiance[24], seuls les acteurs, parties prenantes du processus, peuvent en mesurer les implications et en contrôler les effets. Il faut donc donner du temps au temps et ce qui a pris trois siècles aux paysans européens peut bien prendre également un temps long en Afrique, selon des modalités originales car l’environnement international et les formes actuelles du capitalisme supposent non pas une répétition mimétique mais de véritables innovations car les ruptures à introduire avec les mauvaises habitudes héritées de la colonisation sont délicates à concrétiser.

Il s’agit donc de gérer une transition à grande échelle où les choix de l’ensemble des intéressés puissent être pris en compte et raisonnablement assumés dans une perspective d’intérêt général et de développement durable. Pour des raisons théoriques et pratiques qu’il est à nouveau impossible de résumer ici (Le Roy, La Terre de l’autre 2011) c’est la notion de patrimoine qui a été proposée comme permettant d’intégrer la gestion propriétariste et de la dépasser à chaque fois que l’intérêt commun le nécessitait. La notion de patrimoine peut proposer cinq lectures qui, chacune, recoupent des dimensions critiques des analyses que nous avons développées en termes de représentations d’espaces, des maîtrises foncières et de droits reconnus et superposables. Le tableau matriciel ci-dessous en présente l’économie selon une lecture principalement horizontale qui donne une idée des opportunités nouvelles qu’offre ce type de lecture dont il faudra identifier et mettre en forme spéciale chacune des opportunités.

Modèle N° 4 Principales corrélations entre paramètres de gestion patrimoniale

Représentation d’espace Statut de la ressource Maitrise et droit sur le fonds /sur les fruits Objet des gestions patrimoniales
territoire chose Minimale Accès/ abord Conservation en l’état
odologie avoir

 

Prioritaire

extraction/prélèvement

Protection de gisements de ressources matérielles/intellectuelle
topocentrisme possession Spécialisée

Gestion/ exploitation

Héritage des générations passées
hiéromanie appropria-tion Exclusive

Interdiction /marchandisa-tion

Communs pour les générations futures
géométrie bien Absolue

Aliénation/disposition

Patrimoine comme l’équivalent monétaire des actif et passif d’une personne juridique

Conclusions

Le grand intérêt qu’offre une lecture paradigmatique centrée sur l’expérience endogène des communs plutôt que sur le propriétarisme est de proposer non seulement une pluralité d’options susceptibles d’être mobilisées par les acteurs dans leur recherche d’une solution de sécurisation foncière à la hauteur de leurs besoins mais aussi selon une perspective de pluralisme juridique et normatif ouvrant à un universalisme qui devient cosmopolitisme. C’est autour et en fonction des besoins de ces acteurs, paysans et éleveurs comme des investisseurs et des entrepreneurs, et non selon de supposées lois de fonctionnement des économies articulées selon la mythologie de la main invisible que de nouvelles régulations peuvent être élaborées, Il faut cependant y ajouter une condition délicate à concrétiser : une conjonction des planètes politiques et macro-économique favorable à ces adaptations et mutations aux trois échelles locale, nationale et internationale (voir Le Rov 2013).. C’est ce à quoi il nous faut maintenant travailler.

Etienne Le Roy

Texte en libre accès et reproduction sous condition de citation de la source www.dautresregards.free.fr

L’auteur : Professeur émérite d’anthropologie du droit à l’Université Paris 1, ancien directeur du Laboratoire d’anthropologie juridique de Paris (1988-2007), Président de l’Association pour la Promotion des Recherches et Etudes Foncières en Afrique (1987-1997), Membre fondateur du Comité Technique Foncier & Développement (MEAE-Afd) depuis 1996. Membre fondateur et secrétaire du bureau de l’association REGARDS.

Notes


[1] Ce qu’on dit ici des limites de la théorie de la propriété a été précédemment expérimenté à propos de la théorie des droits de l’homme ou de nos conceptions de la justice. La critique porte donc sur la conception du droit dit positif, les droits de propriété n’en étant qu’une application,

[2] C’est sous ce thème que l’ouvrage a été référencé dans l’article de Catherine Vincent, « Jour sans posséder », Le Monde Idées, samedi 23 juin 2018, N°22844, pages 2-3, dossier « Biens communs, comment jouer collectif ?». De manière générale, les idées développées dans cet article sont assez convenues et ne reflètent pas les travaux les plus récents et les plus innovants en restant attachées à la théorie propriétariste.

[3] Joseph Comby, « L’impossible propriété absolue », in C. Attias et al., Un droit inviolable et sacré, la propriété, Paris, ADEF, 1991, 9-20.

[4] Louis Dumont définit le holisme comme « une idéologie qui valorise la totalité sociale et néglige ou subordonne l’individu humain », Essais sur l’individualisme, Paris, Seuil, 1984, 263.

[5] Le principe de réduction de la diversité à l’unité imposée d’une organisation ou d’une institution est à l’origine de la vision judéo-chrétienne du monde qui a irrigué toute la conception de la modernité occidentale. Pour des applications voir mon Une juridicité plurielle pour le XXI° siècle, Saarbrücken, EUE, 2017, 11 et s.

[6] E. Le Roy, “Violence de la fonction symbolique et institutionnalisation du droit, contribution à une anthropologie de la juridicité et du pluralisme normatif”, Begegnungen und Auseinandersetzungen, Festschrift für Trutz von Trotha, édités par Katharina Inhentveen und Georg Klute, Köln, Rüdiger Köppe Verlag, 2009, p. 12-30.

[7] Etienne Le Roy, Alain Karsenty, Alain Bertrand (eds), La sécurisation foncière en Afrique. Pour une gestion viable des ressources renouvelables, Paris, Karthala, 2016 (1° ed. 1996).

[8] Etienne Le Roy, « How I Have Been Conducting Research on the Commons for Thirty Years Without Knowing It”, in David Bollier and Silke Helfrich (eds.), Patterns of Commoning (Amherst, MA, Off the Common Books, 2015, pp. 277-296.

[9] Une illustration de ces blocages conceptuels peut être trouvée dans l’héritage de John Locke. Pour Thomas Paine, philosophe politique anglais de la fin du XVIII° siècle, « la coutume de rattacher des droits à un lieu, en d’autres termes à la matière inanimée, et non à la personne, indépendamment du lieu, est trop absurde pour entrer dans une argumentation rationnelle « (cité p. 78). La raison paraît ici bien complaisante !

[10] Des explications détaillées dans Etienne Le Roy, La terre de l’autre, une anthropologie des régimes d’appropriation foncière, Paris, LGDJ, 2011.

[11] Des applications dans Etienne Le Roy, « Pourquoi, en Afrique, <le droit> refuse-t-il toujours le pluralisme que le communautarisme induit ? ”, Anthropologies et sociétés, 2016, p. 40-52

[12] Cette terminologie s’applique à tous les faits d’existence dès lors qu’il y a une responsabilité en cause. Un conducteur de charrette à cheval est dit par wolofisation du français « borom sarett ».

[13] Etienne Le Roy, « La dette infinie, représentations africaines, solidarité écologique et développement durable », La dette écologique : définitions, enjeux et perspectives, Agnès Michelot (ed.), Vertigo, la revue électronique en sciences de l’environnement, hors série 26, 9 septembre, 2016. http://vertigo.revues.org/17506.

[14] Etienne Le Roy « La dette infinie, représentations africaines, solidarité écologique et développement durable », La dette écologique : définitions, enjeux et perspectives Agnès Michelot Vertigo, la revue électronique en sciences de l’environnement, hors série 26, 9 septembre, 2016. http://vertigo.revues.org/17506

[15] Etienne Le Roy « Des Communs <à double révolution> », Droit et Société, Etudes, vol. 94, 2016, p. 603-624.

[16] Etienne Le Roy, « Coutume », in Cornu Marie, Orsi Fabienne, Rochfeld Judith, Dictionnaire des biens communs, Paris, PUF, 2017, 326-329.

[17] Baudet, Marie-Béatrice, « Le pari du partage », Le Monde, N° 21527 du vendredi 4 avril, 2014, supplément ‘développement durabl’e.

[18] Le Roy, Étienne, « Interactionisme et anthropologie du droit. La révolution de la juridicité, une réponse aux mondialisations », dans Jeuland, Emmanuel et Pierrot, Emmanuel (coord.), Interactionisme et norme, Paris, Iris éditions, Bibliothèque de l’institut de recherche juridique de la Sorbonne-André Tunc, 2015.

[19] Ostrom, Elinor, Gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Bruxelles, De Boeck, 2010 [1990]),

[20] Le Roy, Étienne, « Autonomie du droit, hétéronomie de la juridicité », dans Sacco Rodolfo (ed.), Le nuove ambizioni del sapere del giurista: anthropologica giuridica e traducttologia giuridica, Rome, Academia Nazionale dei Lincei, Atti dei convegni Lincei, 2009.
Une juridicité plurielle pour le XXI° siècle. Une approche anthropologique d’une propédeutique juridique, Sarrebruck, Editions européennes universitaires, 2017,

[21] Chacune de ces représentations fait l’objet de développements dans mon ouvrage de référence (Le Roy, La Terrre de l’Autre, 2011, 49-77). Faute de place, je suggère au lecteur soucieux de compléments d’informations de s’y référer.

[22] Le Roy, Étienne (ed.), La terre et l’homme, espaces et ressources convoités entre le local et le global, Paris, Karthala 2013. Le Roy, Étienne, « Les appropriations de terres à grande échelle et les politiques foncières au regard de la mondialisation d’un droit en crise. A propos de Chouquer, Gérard, Terres porteuses, entre faim de terres et appétit d’espace », Arles, Actes-Sud & Paris, Errance, 2012, 247 p., dans Droit et société, vol. 89, 2015, 193-206..

[23] Polanyi, Karl, (1983), La grande transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, NRF Bibliothèque des sciences humaines

[24] Le Roy, Étienne, (2013b), «Pluralisme juridique et taxation foncière», dans Techniques Financières et Développement, ‘Les collectivités territoriales en Afrique subsaharienne – Décentralisation et financement’, N° 112, 2013.

 

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