Samedi 17 novembre 2012 : « Colonialités », identités, altérités, émancipation ?

L’abord du sujet de la colonialité et des banlieues qui fut proposé en juin ne fut pas chose facile, tant le terme et les concepts qu’il véhicule sont chargés et piégeants. Au-delà des traces inconscientes décrites lors de la dernière matinée, ce mot nécessite donc d’être revisité par des allers retours entre constructions et déconstructions.

Pour mieux préciser ces constructions et déconstructions, nous proposons de situer la notion de colonialité par rapport à deux axes, l’un, vertical, lié aux processus de domination et l’autre, horizontal, aux phénomènes d’émancipation.

D’une part, la juxtaposition de « colonialité » et territoire renvoie à une histoire de domination niant toute altérité sur des terres indûment (selon les critères actuels) occupés et récusant la pertinence d’autres identités. Cet axe de domination, « vertical », est aussi à l’œuvre dans les banlieues, par le truchement de tout l’appareil institutionnel, administratif et associatif qui fait la trame des quartiers au nom d’une politique nationale.

En miroir, cependant, notre époque, après de longues et douloureuses luttes, place au cœur du vivre ensemble le dogme de la liberté individuelle, celle de pouvoir faire ses propres choix, et, de ce fait prône l’émancipation des individus à l’égard de structures réellement ou potentiellement aliénantes. Paradoxe fécond, c’est précisément ce dogme qui remet en question la colonialité. Que penser dès lors, à l’aune de ce principe, des structures de socialisation « horizontales » ambigües qui relèguent la femme au statut d’objet mutilable et dangereux, des structures familiales qui la contraignent et l’aliènent et que l’Education nationale de Jules Ferry avait pour vocation de briser ? L’appareil administratif en l’occurrence assume la fonction de l’émancipation mais, lui-même, au nom de cette relégitimation, s’arroge quelques prérogatives à leur tour aliénantes.

L’articulation dialectique de ces deux axes renvoie à la confrontation de manières de concevoir le vivre ensemble sur nos territoires que le terme de colonialité ne peut décrire avec précision, même si dans cette articulation se projettent des fantasmes et des rancœurs historiques toujours bien vivantes.

Le propos de cette matinée sera donc de brosser une première ébauche de cette articulation, des idéologies en présence et de leurs légitimités respectives.

Premier compte rendu

La question posée par l’argumentaire tentait d’éclairer la difficulté d’articuler critique de la colonialité en tant que processus administratif d’imposition de normes et de croyances et la nécessité de poursuivre le travail de lutte contre les divers processus d’aliénation et de domination sexiste en particulier, qu’ils proviennent de l’administration ou des individus.
Un premier tour de table a permis de cerner le sujet.
L’appareil administratif a été estimé comme ne jouant pas son rôle d’accompagnement des évolutions de la société et étant plutôt archaïque dans ses actions.
L’irruption de la religion comme marqueur identitaire adolescent a été présenté comme étant le fruit d’une frustration ressentie par les deuxièmes générations devant le manque de progression de leurs parents malgré leur respect du contrat social laïc français.
Chaque culture (au sens des modalités du vivre ensemble) doit être analysée selon ses forces et ses faiblesses et la perception du métissage apparaît suivre une évolution en balancier. Après une phase de valorisation extrême, le métissage serait plus perçu comme l’impossibilité de trouver une place.
En clinique, le développement psychomoteur de l’enfant apparaît être totalement affranchi des codes et modes culturels d’élevage. Ce qui diffère c’est la relation à l’institution, psychiatrique en particulier, qu’entretiennent les familles. On est devant la rencontre de deux institutions qui n’ont pas les mêmes références, les mêmes rapports au temps et aux engagements1. Avec parfois une instrumentalisation (recours à l’explication sanitaire pour un échec scolaire, etc.). La disparition progressive des structures intermédiaires « tampon » (du moins celles identifiées comme telles par l’appareil administratif) a aussi été souligné, laissant libre cours à une confrontation directe entre les institutions souvent cloisonnées et fonctionnant sur d’anciens modèles, et les familles.
Pour sortir de l’aporie, il est proposé de distinguer les registres du cas clinique singulier pour lequel les universaux fonctionnent et sont donc acceptables, de celui de la généralisation théorique qui est par nature vecteur d’idéologie et de ce fait, source de crispations « culturelles ». Dans ce cadre, les processus de colonisation-décolonisation se découvrent à l’oeuvre en clinique mais on manque d’outils pour passer du cas singulier à la généralisation de façon sereine.
Par ailleurs, une suggestion a été faite de travailler la question des prénoms et de leur charge stigmatisante en légiférant sur le thème.

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